mardi 8 janvier 2013

La Manufacture Royale de Taille de Diamant à Paris (1779-1787) ou la volonté de doter la France d'un nouvel art sous Louis XVI

C'est une étonnante histoire  que j'ai découverte grâce a un ami, avec ses voeux, il avait glissé dans une enveloppe le mémoire d'une jeune femme sur la courte existence d'une manufacture de diamant installée sous Louis XVI à l'intérieur de l'hôpital des "Quinze Vingts" à Paris. Mon ami et moi avons été intrigués puis séduits rapidement par le travail de Bleue Marine Massard. 


Hopital des quinze vingt: BNF cliché 1927 de Mr Meurisse

Bleue-Marine Massard, désirait présenter un mémoire de Master II, et en cherchait le sujet, elle avait déjà retracé la carrière de Pierre-André Jacqmin, joaillier de louis XV, quand Mme Michèle BIMBENET-PRIVAT, conservateur en chef du patrimoine au Musée du Louvre, lui proposa ce thème, qu'elle aurait aimé traiter elle même mais qu'elle lui confia.
 Mme Bimbenet Privat lorsqu'elle était conservateur aux archives nationales avait fait la découverte d'une liasse de papiers saisis (après faillite)  et ayant appartenu à un certain "Isaac Schabracq", entrepreneur de la Manufacture Royale de taille de diamants à l'hôpital des quinze vingts.

Les frères Schabracq étaient trois, Ezechiel, Isaac et Emmanuel, ils tenaient depuis de longues années une "manufacture très considérable" à Amsterdam, spécialisée dans la "taille, préparation, coupe, et commerce du diamant"

Bleue Marine Massard a fait un travail important et digne de considération, mais je me suis demandé comment nos trois "juifs Hollandais" étaient arrivés en France, je pense avoir un début d'explication:
Un certain Monsieur Lavie Homberg, armateur au Havre mourut en 1766, et sa veuve se retrouvait seule avec six enfants, l'une de ses filles, Hélène, épousa  
Jean Baptiste Oppenheimber du Havre qui était banquier et armateur , elle s'occupa de sa maman mais se préoccupa aussi de ses frères cadets. A cette époque, les mariages étaient un peu arrangés.
Le mari d'hélene  avait un ami Hartog-Isaac-Lévy Schabracq riche armateur à Amsterdam époux de Caatje Cohen d'Amerfoort, l'une des plus anciennes familles juives des provinces unies.


Cliquer sur toutes les images pour agrandir
Port du Havre, fondé par François 1er  appelé Havre de Grâce, un havre est un abri, les Hollandais étaient déjà présents car l embouchure de la Seine était un véritable marécage et les Hollandais vinrent assécher les marais, techniques qu'ils connaissaient parfaitement

Madame Anne Mézin dans son livre "Homberg du Havre de grâce" nous révèle que   HARTOG ISAAC LEVY-SHABRACQ, maria sa fille Martine avec Samuel Marcus et il invita son ami Oppenheimber, et Hélène remarqua les dernières filles de la famille, de jolies blondes enjouées. L'Affaire ne trâina pas et en 1770 à Amsterdam en présence de la veuve Homberg qui accompagnait ses fils, Marie Anne Levy Schabracq devint madame Gerson Homberget et Judith devint madame Eliezer Homberg. Les deux jeunes ménages s'installèrent au Havre.

Une troisième soeur vint aussi s'installer au Havre en 1772 avec sa famille, Martine, l'épouse du Banquier Samuel Marcus qui en arrivant au Havre se fit appeler MARC .
Il est donc probable que leurs trois freres Ezechiel, Isaac, et Emmanuel, firent de mêmeeurent suffisamment  de contacts en Fr pour envisager de s'y installer.


Cliquer sur toutes les images pour agrandir

Presque tout est résumé dans ces notes du livre de Pierre-Bruno-Jean de la Monneraye "Souvenirs de 1760 à 1791"
De nos jours une entreprise étrangère de taille de diamants s'installerait en France le problème serait d'ordre commercial mais non politique, or a cette époque c'était un problème politique.
Nous avions de grands joailliers avec une forte production de bijoux et nous dépendions pour les pierres précieuses des importations.
Les pierres précieuses provenaient d'Inde, longtemps le trait d'union entre l'orient et l Europe furent les marchands de Venise, les diamants étaient acheminés par voie terrestre jusqu'à Constantinople et Venise avait le monopole du diamant du XIIIè au XVème siecle,  puis Vasco de Gama en 1498   ouvre une ligne directe avec les Indes, petit à petit le Marché se déplace vers Lisbonne.


Atlas nautique portugais attribué à Lopo Homem donnant l'état des connaissances que l on avait de la péninsule arabique et de l'inde en 1519 au temps de Vasco de Gama.

Pendant près de 200 ans ce seront surtout les Anversois qui tailleront le diamant, avec des provenances diverses, Londres, Amsterdam et la compagnie Néerlandaise des indes et Lisbonne. N'est il pas significatif que François Premier....par exemple..se soit refusé de recourir aux tailleurs de diamants parisiens pour passer commande à Anvers? Dans l histoire il ne sera pas le seul!

Le XVIII eme siècle va changer la donne, le Brésil et l'Inde ayant en commun la présence portugaise, ce serait un certain Sebastino Leme Do Prado, ayant vécu aux indes qui aurait identifié les premiers diamants au Brésil en 1725.
Les pierres furent envoyées aussitôt à Anvers pour expertise et les terrains diamantifères furent déclarés propriété de la couronne  du Portugal qui envoya aussitôt des troupes pour garder ces territoires. Nous sommes en 1730 et les "laveurs de diamants" fondent une colonie de Téjuco, qui allait devenir un siècle plus tard Diamantina.
De très importants diamants furent découverts, en l'espace de cinq ans de 1730 à 1735 le marché du diamant explosa et son prix diminua des trois quarts.


Connaissances générales de l'époque,
 ce livre (collection personnelle) date de 1780

 Au brésil, pourquoi le Portugal plutôt que l'Espagne?

C'est parce que le Pape avait arbitré en 1493 le conflit qui opposait l'Espagne au Portugal dans la conquête du nouveau monde et délimité les zones dont chacune des deux grandes puissances chrétiennes pouvait se prévaloir, il avait ainsi par avance donné force de loi au décret du 8 février 1730 qui fit de la couronne portugaise le propriétaire des mines de diamant au Brésil.
La Couronne et c'est important pour la suite, se réserva le monopole du transport, il fut interdit pour exporter des diamants en Europe d'utiliser d'autres navires que ceux du Roi.
En tout, dans cette aventure ce fut le souci de remplir les caisses de l'état portugais qui prévalut.
Lorsque les rentrées se furent révélées insuffisantes comparées à la quantité de diamants produite, et que de plus les prix du brut sur les marchés de Lisbonne, Amsterdam, Anvers et Londres furent tombés au quart de ce qui étaient pratiqués auparavant, on décida d'interdire les exploitations individuelles et en 1735 le gouvernement céda à de grandes entreprises le droit d'exploitation.
Comme je le signalais auparavant, les cours s'étaient effondrés, alors les portugais imaginèrent d'envoyer aux Indes une bonne partie des diamants brésiliens pour les mettre en vente à Goa, et ainsi les faire passer pour des pierres d'origine indienne. 
Ce n'était pas nouveau, ils avaient déjà fait le coup pour des émeraudes....


Connaissances générales de l'époque,
 ce livre  date de 1780 année de la manufacture

C'est dans ce contexte que les frères Schabracq arrivent à Paris.

Le commerce ne s'établit que de Roi à Roi, il se fait entre Lisbonne, Londres, Amsterdam, Paris est en dehors du marché alors qu'il a les meilleurs joailliers donc besoin de diamants.
La France était-elle demandeuse, ou était-ce une idée des Schabracq, Bleue-Marine Massard nous précise que Schabracq offrit "de transporter sa manufacture afin de faire revivre en France une des branches les plus riches du commerce"
Mais on verra plus loin l'importance du Duc de Chartres qui apparemment lui demanda de venir en France.

D'un point de vue économique, faire venir les Schabracq permettait de fixer en France la taille du diamant et empêcher la fuite des capitaux à l'étranger estimée à une somme de deux millions par an.

Et cette dépense, mauvaise pour notre balance commerciale ne pouvait aller qu'en augmentant et puisque nous montions des bijoux pour le monde de l'époque, on aurait pu selon Schabracq faire une économie de 3 millions "année commune sans compter l avantage d'occuper un grand nombre de mains, et celui d'attirer les talents étrangers.
D'un point de vue social: Schabracq s'engageait a former des élèves Régnicoles (tous les habitants du royaume)
"Le suppliant a pris l'engagement de former 12 élèves de l hôpital des quinze vingts"


Connaissances générales de l'époque, 
ce livre (collection personnelle) date de 1780

Mais il assurait aussi pouvoir embaucher d'autres personnes car la manufacture emploierait "une grande quantité d'ouvriers de plusieurs espèces: des fendeurs, tailleurs et lapidaires qui occupent chacun deux journaliers"
Et de plus ces gens auraient le "mérite de faire vivre un nombre considérable d'indigents de la dernière classe" c'est à dire "les manoeuvriers et ainsi d'occuper et nourrir plus de 1000 ouvriers de la classe la plus souffrante  et la plus pauvre" autrement dit "Les aveugles, les impotents, les hommes qui n'ont qu'un bras, ceux à qui tout travail est impossible"
Schabracq assurait même "que c'est avec de pareils moyens que la Hollande a fait disparaître le fléau de la mendicité"
Il est évident que l emplacement de la manufacture dans l'hôpital des Quinze-vingts ou les pensionnaires étaient aveugles n'était pas anodin.
Pour réussir ce projet , il lui fallait trouver de la main-d'oeuvre et des diamants de bonne qualité, pour cela il eut l'idée d'un projet très ambitieux établissant une collaboration directe avec le Portugal

Il lui fallait des "protections" importantes, l'objectif dans ce système pyramidal étant d'approcher le Roi qui est le principal décideur mais aussi le principal intéressé a cause des rentrées fiscales





 Ce seront: Le duc de Chartres, le lieutenant de police Lenoir, le Comte de Vergennes et Jean François Tolozan alors en charge de l administration de l hospice des Quinze-Vingts.





Le premier Bienfaiteur  fut le Duc de Chartres,  lointain cousin du Roi Louis XVI et futur Philippe égalité, qui lors d'un voyage aux Pays bas visita la manufacture de Schabracq à Amsterdam, c'est lui qui constata l'importance économique de la maison et l engagea à transporter sa manufacture en France en l'assurant de sa protection. Dans un brouillon de mémoire adressé a son "Altesse Sérénissime Monseigneur le Duc de Chartres (conservé au Archives nationales) Chabracq rappelle qu'"après avoir dû à la puissante protection de son altesse leur existence légale en France, obtinrent d'elle la permission d'élever leur manufacture de diamants sous son auguste nom"

Le lieutenant de Police Lenoir joua également un role majeur dans la fondation de la Manufacture Royale de taille de diamants et son influence fut certainement plus concrète et régulière que celle du Duc de Chartres

Le Comte de Vergennes fut nommé par le Roi Louis XVI en 1774, Ministre des Affaires étrangères et a partir de 1781 secrétaire des finances, Schabracq lui demanda d'écrire en son nom et d'intervenir en sa faveur dans le projet de commerce de diamants avec le Portugal .


Jean François de Tolozan fut intendant du commerce en 1776 et chargé e la gestion de l hôpital des Quinze Vingts en 1785.
in  Bleue Marine Massard ajoute comme soutien, les gardes de la communauté des Orfèvres .
Logique, la Corporation était le mode d'organisation de la plupart des professions. Une corporation possédait ses propres règlements. Elles ont été interdites sous la Révolution, au motif que nul corps intermédiaire ne pouvait légitimement prétendre s'interposer entre le citoyen et la Nation. Dans le cas qui nous préoccupe  la corporation était intéressée au premier chef, bien que  Les principales manufactures ont été mises en place à la fin du XVII ème   sous Colbert. L'objectif de sa politique mercantiliste est de réduire l'attrait des rentes constituées et de la  préférence française pour la rente, pour orienter l'argent vers la production. C'était un moyen de casser les corporations.

Il fallait un statut à Schabracq, meilleur que celui d'étranger, il fallait le naturaliser, il obtient donc en 1780 des lettres de naturalité

(Une lettre de naturalité est, en droit sous l'Ancien Régime, une lettre patente par laquelle le roi admet un étranger au nombre de ses sujets. La succession des biens des étrangers ou aubains (d'un autre ban) situés sur le territoire du royaume, étaient considérés comme des épaves et revenaient à la couronne en vertu du droit d'aubaine. Le fait de ne plus être étranger, mais régnicole, et donc de pouvoir se prévaloir des dispositions successorales d'une coutume, permettait aux héritiers d'entrer en possession des biens.)
Elles permettaient à Schabracq , ses frères, famille et descendants de jouir des droits régnicoles.

LES EMPLACEMENTS DE LA MANUFACTURE
Avant l obtention de lettres patentes en juin 1780, Schabracq avait installé sa manufacture  "dans une grande maison louée par lui dans la  rue du "Roulle"


Une facture de quincaillier précise que la Manufacture se trouvait "en face des écuries de Monsieur le Comte d'Artois" au coin de l'actuelle rue de Berri et du 178 rue du faubourg Saint Honoré
Le succès de l'entreprise dut être immédiat comme en témoigne une copie de mémoire retrouvé dans les correspondances diplomatiques entre la France et le Portugal, l'expéditeur y explique que Schabracq l'a démarché pour établir en France le commerce du diamant mais que "peu au fait de ce commerce, j'y ai consenti, mais avec la restriction que nous commencerions par faire venir d'Amsterdam une partie des diamants bruts et trois ouvriers dont un tailleur et deux polisseurs. Cette première partie de diamants bruts totalement brillantée a été exposée en vente, achetée tout de suite par les joailliers de Paris qui les ont trouvés parfaits, et même a meilleur compte que ceux qu'ils vont acheter en Angleterre et en Hollande.....notre manufacture est montée de vingt ouvriers principaux, dont cinq tailleurs et quinze polisseurs.......nos diamants ne sont pas plutôt finis qu'ils sont vendus......."

L'activité augmente et Schabracq demande a jouir d'un emplacement royal privilégié, dans un premier temps on lui accorda une prime de 500 livres, mais pas de local.
Puis un logement au Louvre ...trop petit...il suggéra des édifices vacants, sans succès.

Ancien Hôpital des Quinze-vingts


Finalement il obtint un "emplacement très étendu dans celui que contenait autrefois les écuries des Mousquetaires de Paris"
Ces  bâtiments avaient été rachetés en janvier 1780 pour servir de nouveaux locaux à l'hôpital royal des Quinze-vingts jusque là installé faubourg saint honoré.
Schabracq prit possession des locaux



Nouvel Hôpital, le nom des Quinze Vingt  signifie 300 (15X20) pour les 300 lits que comptait l'hospice précédent.
C'est dans cet hôpital que va s'installer la Manufacture de diamants.


L'hôpital remplaça la caserne des mousquetaires du Roi , près de la rue de contrescarpe , si vous agrandissez l image , vous verrez la Bastille.


En agrandissant le plan de Paris de Jaillot datant de 1775, on distingue l'hôtel des Mousquetaires Noirs, la manufacture se trouvait dans la deuxième partie de l hôtel, les écuries dans la partie la plus basse de mon image.
 Le Cardinal de Rohan porta la capacité de l'hôpital des Quinze-vingts à 800 lits, la justification de cet emplacement fut très discutée et reprochée par les pensionnaires aveugles. De plus Tolozan n'avait pas accepté dans ses murs qu'une seule manufacture. Il y eut une manufacture d'ouvrages en acier avec 54 ouvriers plus d'autres ateliers.
L'installation de la manufacture de taille de diamants demanda une réorganisation des espaces pour les adapter aux besoins de la manufacture et entraîna une grande campagne de travaux.
Une aide financière fut accordée a Schabracq, 4500 livres payés par Mr de Tolozan, intendant du commerce, 4500 autres par messieurs les Grands Gardes de l Orfèvrerie sur un mandat de Mr Lenoir. Même l 'hôpital contribua , ce qui témoigne de l enthousiasme de tous pour le succès de la Manufacture
Schabracq était logé dans les étages et ses ouvriers dans les étages et greniers
L'atelier, vu l'emprise des machines au sol devait être installé au rez de chaussée et peut être continué à l'entresol. L'intérieur de la Manufacture devait être assez grand puisqu'il est fait mention de 20 moulins ce qui laisse comprendre l'étendue.



Les moulins ce sont ces grandes roues  qui permettaient de faire tourner les meules de facettages.


Le diamant a d'abord été marqué, à l'encre de chine en vue du Clivage, le diamant est fendu ou de nos jours scié. Alors que le clivage se fait dans le sens du grain de la pierre, le sciage a lieu en sens contraire


Voici-dessus une table de diamantaire, celle ci sur la planche de Diderot et d'Alembert, est représentée avec 2 manchons permettant de tenir deux dops donc tailler deux diamants en même temps. Il est courant d'avoir quatre dops sur une meule.
Après l'ébrutage, c'est la pose des facettes.

Dans les papiers saisis suite à la faillite et au retour de Schabracq  aux Pays bas, des mémoires font état de "table des tailleurs", "moulins", manivelle", outil à diamant", "roue", fers pour servir de poids pour les diamants"," pinces pour tenir les diamants" "roue neuve avec sa manivelle", "roue de polissoir" .

La Manufacture occupait journellement 80 ouvriers , cette main d'oeuvre a été attirée et expatriée de Hollande et d'Angleterre à grands frais.

Schabracq a fait venir d'Amsterdam des lapidaires diamantaires "des plus expérimentés" la plupart sont juifs  , certains ne parlent pas français, ils "sont  presque tous farouches et difficile à contenir"
Schabracq écrit lui-même "quelques-uns, fiers de leur talent et certains de l'impossibilité que j'aurais à les remplacer peuvent vouloir faire les conditions les plus dures et même montrer de la répugnance à s'associer des élèves français"
 Il y a donc une difficulté a faire collaborer les lapidaires hollandais et les élèves français et pourtant Schabracq s'est engagé à enseigner, à former 12 frères et soeurs aveugles des 12/20 désignés par les gouverneurs de l hôpital, et ce au terme de son bail pendant six ans!
C'est assez classique, le partage de la connaissance n'est pas toujours facile en atelier, j'ai connu personnellement ce problème. Un métier en grande partie, cela se "vole" c'est à dire en observant les anciens dans un atelier. 

Bleue Marine Massard nous explique que les hollandais "sont réticents a enseigner leur art au risque de devenir de moins en moins indispensables", Trois siècles plus tard , il n'y avait rien de changé, j'ai fréquenté des ateliers ou nous étions payé "à la tache" ou à "la pièce" le plus rapide a qualité égale de travail,gagnait plus, alors pourquoi voulez vous que votre voisin vous enseigne les combines pour aller plus vite?


Alors Schabracq n'a qu'une solution, offrir des avantages, naturalisation, primes....
C'est apparemment une difficulté pour Schabracq, pratiquer une surenchère pour garder le personnel étranger, mais aussi sécuriser(déjà) les locaux contre les tentations de vol, maîtriser les rebellions!!!!
Puis apparaît un certain manquement de loyauté de certains ouvriers, certains veulent s'installer à leur compte en débauchant des ouvriers en leur promettant un salaire plus important, d'autant que ces gens n'ont pas eu les frais d'installation de Schabracq.
Conséquence, l'investissement de formation d'une industrie nouvelle est perdue, donc perte d'argent et de rendement.

Ainsi en peu d'année, deux installations, une progression rapide sur ses fonds propres, mirent à mal Schabracq, car une manufacture royale se caractérisait par son appartenance à un particulier.
Schabracq fit appel à des " Capitalistes" c'est a dire à cette époque des gens ayant des capitaux.

Revenons au "Politique"

Pour tailler du diamant il est nécessaire d'avoir la matière première qui n'existe pas en Europe.
Schabracq veut commercer avec une des nations qui possède du diamant sur leur territoire, il a choisi le Portugal.
"L'Angleterre et la Hollande sont les deux seules nations en possession du diamant brut. Les Anglais le tirent des Grandes Indes, les Hollandais du trésor Royal du Portugal......Le Roi du Portugal est seul possesseur de toutes les mines de diamants au Brésil.........il ne l'accorde qu'à des têtes couronnées et non à des particuliers"
Ce qui suppose beaucoup d'intermédiaires, un ambassadeur nommé Gildemeister va avoir un rôle privilégié de par sa fonction. Il correspondait avec toute l'Europe mais choisissait ses clients.


"je sais qu'il a constamment refusé de fournir des pierres brutes à  différentes cours.......il envoye des pierres en paquets de 400kts à son correspondant d'Amsterdam"
C'était un précurseur, car avant que la "De Beers" n'apparaisse,  ses clients étaient obligés d'accepter les diamants de Gildermeister, au risque de se faire rayer des listes et de ne plus avoir de matières première....(le système des VUES), et de plus il ne "veulent vendre aux étrangers que les diamants de qualité médiocre"
Or il a besoin pour fournir le corps des orfèvres parisiens de marchandises de qualité!
Il va donc remettre en marche tout le soutien des puissants français qui l'ont soutenu et demande au gouvernement français de réclamer au Portugal "un traitement de Couronne à Couronnes"
Il en remet une couche si je puis dire et défend son projet: "mettre le commerce de Paris en concurrence avec celui des autres nations en assurant qu'il ne tarderont pas à s'élever au dessus de toute parité, à raison du bon goût et du fini du travail dont l'univers vient prendre des leçons à Paris"



Il s'adjoint de nouvelles protections comme le Marquis Charles René De Bombelles, Ambassadeur du Roi du Portugal en 1786(son fils épousera en 1834 Marie Louise D'Autriche, la veuve de Napoleon
(J'avais fais une erreur de portrait, j ai rectifié, voir commentaires après l article)
Sans protections comment payer ses employés. Un autre ambassadeur , "Odune" intervint aussi pour lui auprès du fameux Gildemeister,(le ministre du commerce portugais) mais si celui ci acceptait d'envoyer quelques marchandises , c'était en secret et sous couvert d'anonymat.

L'echec de l'entreprise se confirmait dans ces tractations , et Bleue Marine Massard nous explique que Schabracq a du être trop ambitieux et trop exigeant car "il ne lui convint pas d'en donner la somme demandée" et ce comportement fut certainement mal pris par Gildemeister  qui vit dans ce projet trop de contraintes.
Finalement Schabracq  au milieu de l'année 1787 écrit au Comte de Vergennes,qu'il "n'a reçu aucune réponse et que cette négociation est restée sans succès"
Le Comte de Vergennes étant mort le 13 fevrier 1787, la date de sa lettre ne doit pas être bonne.
Pas de brut, c'est immobilité de la manufacture, chômage technique mais obligation de payer le personnel sur ses fonds personnels,Schabracq épuise sa fortune  et emporte ses créanciers dans sa chute.

Regnault de la Tour, avocat au parlement de Paris, un de ses soutiens, trouve les portes de la manufactures closes, s'inquiète de l'absence de Schabracq, et dépose plainte contre lui le 14 juillet 1787.
Évidemment, les soutiens suivent en ce sens, la France est endettée, dès 1781 Necker avait mis en garde le Roi et ses sujets , on ne pouvait plus dépenser inconsidérément; aider , soulager, recommander, certes, mais pas de manière onéreuse pour l'état.

Dans la matinée du 3 juillet 1787 Schabracq demande à son ouvrier Laruelle d'aller lui chercher un fiacre , il déclare à ses ouvriers "je m'en vais à la campagne pour deux ou trois jours" il fit charger "un grand carton"  censé contenir des chiffons. Il confia à Laruelle neuf francs pour régler les livraisons , lui laissa les clés des portes de l'atelier après avoir pris soin de fermer et recommanda a son élève de ne faire entrer personne. Il quitta le pays.



Puis vint la liquidation....

Bleue Marine Massard a tenté une conclusion ou elle explique que Schabracq fut d'une ambition exemplaire pour la conduite de son projet, mais il fut victime d'un projet trop précurseur qui cherchait à rivaliser avec les deux plus grands empires de la fin du XVIII eme siècle: l'Angleterre et le Portugal.
Bleue Marine Massard explique qu'il fut grisé par les résultats des premières années, aveuglé par des phases éphémères de prospérité il voulut certainement donner trop tôt à son entreprise  une extension qu'elle ne comportait pas encore. Il fut également victime dans les dernières années (juste avant 1789) d'un climat économique et politique défavorable. Le gouvernement avait d'autres chats a fouetter.

Il est vrai qu'en France depuis cette époque à nos jours, nous n'avons su mettre en valeur nos grandes idées ni les exploiter, nous n'avons pas de traditions de réussites économiques comme nos voisins Anglais ou Allemands.
Nos banquiers frileux n'ont jamais su suivre une bonne idée.
Nous aurions pu , peut être, devenir un centre de l'industrie du diamant, la joaillerie française et ses succès, jusque dans les années 40 n'en auraient été que la meilleure des vitrines, mais l'encadrement politique de notre commerce, la jalousie et la haine ancestrale du luxe de certains, la taxation imbécile, le découragement des valeurs du travail expliquent nos échecs. 

En aparté, plusieurs généalogies mêlent Schabracq, aux Polak (Arpels) et Van Cleef
le monde est petit

Concernant Le Marquis de Bombelles



Si vous avez des réflexions, les "commentaires" ci-dessous le permettent, si le mémoire de Bleue Marine Massard vous intéresse, je me ferais votre intermédiaire pour vous faire parvenir un exemplaire de ses 157 pages en format 21/29,7, c'est un ouvrage a garder dans sa bibliothèque.
Je la remercie a nouveau de m'avoir permis de commenter sa découverte.
Un développement, des questions ..etc mon adresse mail
richardjeanjacques@wanadoo.fr


13 commentaires:

  1. Dans l’une des pages de livres anciens que vous reproduisez, le texte parle de brillant, cela existait déjà ?

    RépondreSupprimer
  2. En effet le « brillant » existait déjà. Rappelons que de nos jours l’appellation exacte est « Diamant Taille Brillant » par opposition au 8/8-16/16-taille poire-navette-ancienne- etc.
    Un diamant taille brillant est un diamant rond ayant 32 facettes au-dessus et 24 en dessous plus la colette.
    Disons que le premier « modèle » de cette taille date de l’ère bourguignonne vers 1400.
    On trouve ce terme en 1614, puis l’ inventaire de Marie Stuart en 1668 , puis en 1673 louis XIV fait retailler le diamant bleu en « taille Européenne à la mode » il le fait retailler en taille brillant. La taille brillant baroque, ronde ou ovale est l’aboutissement logique d’une taille menée sur une pierre brute dodécaédrique. Donc le « brillant » existe depuis la fin du XVII eme. Après une lente évolution, surtout pour la culasse on en arrive à la taille brillant Tolkowsky 1899/1991, mathématicien et diamantaire belge qui publia dans son livre « diamond design » les proportions selon des bases mathématiques à donner à un diamant pour le meilleur éclat. C’est-à-dire qu’un maximum de rayons lumineux rentrant par la table ou les côtés parcourt un trajet par réflexion à l’intérieur de la pierre et ressorte par le haut de la pierre

    RépondreSupprimer
  3. Qu'entendez vous par Mousquetaires NOIRS
    Merci

    RépondreSupprimer
  4. je m'attendais a des questions sur les frères Schabracq, mais pas sur les Mousquetaires!!!!
    Les Mousquetaires ont été créés par Louis XIII, lorsqu'il remplaça l'armement, c'est à dire des "Mousquets" à la place des Arquebuses. Corps d'élite , il n'y avait que des gentilhommes.Ils devaient protéger le Roi, une premiere compagnie fut créé en 1661, les mouquetaires gris ce nom de gris dû à la robe des chevaux.Une deuxième compagnie fut créé en 1663 Les Mousquetaires Noirs, ils avaient tous des chevaux noirs. en 1776 le corps est dissous par Louis XVI pour des raisons d'économies. En effet les pensions versées à ces corps d'élite étaient très importantes.
    D'Artagnan , qui a existé, et a écrit ses mémoires, dont s'est inspiré Dumas faisait partie des Mousquetaires Gris.

    RépondreSupprimer
  5. votre photo du comte de bombelles est bien celle de charles-rené ,fils de l'ambassadeur au portugal marc-marie ,marquis de bombelles.
    plus haut le duc de chartres n'est pas le frère de louis XVI ,mais un lointain cousin

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En effet vous avez raison, Louis Philippe Joseph d’Orléans, duc de Chartres, puis duc d’Orléans (1785-1793), ayant changé son nom en Philippe Égalité après 1792, est né au château de Saint-Cloud le 13 avril 1747 et mort guillotiné à Paris le 6 novembre 1793.
      Fils de Louis-Philippe Ier d’Orléans, duc d’Orléans, dit « le Gros », et de Louise-Henriette de Conti (morte en 1759), il fut titré duc de Montpensier à sa naissance (1747-1752), puis porta le titre de duc de Chartres à la mort de son grand-père. À celle de son père, il devint alors duc d’Orléans et premier prince du sang. Il descendait en ligne masculine du régent Philippe d’Orléans et du roi Louis XIII.

      Supprimer
  6. So now we (researching the family in Amsterdam) know where Isaac Schabracq had been before 1788.
    He first appeared in the London Land Tax Records in 1788. He was a starch manufacturer then, and so were his brothers Ezechiel and Leonard in Amsterdam after 1788. Would he have lost the money of his whole family (there were 6 brothers, one of whom died in 1784, and 4 sisters)?
    Isaac married in London in 1807, he must have been about 70 years old. He probably had been married before, the Land Tax records in London suggest a son James (or Jacob).
    On 5 May 1818 he was buried there (Gt Synagogue records).

    RépondreSupprimer
  7. Ce message du service des recherches sur la famille à Amsterdam, voudrait dire qu’ils savent desormais ou Isaac Schabracq vivait avant 1788
    Il est apparu dans les registres de Londres concernant l impot foncier en 1788.
    Il était fabricant d’amidon et ses frères Ezechiel et Léonard travaillaient avec lui après 1788.
    Le service pose la question : Aurait- il dilapidé tout l’argent de sa famille (il avait 6 frères dont un est décédé en 1784, et 8 sœurs
    Isaac s’est marié à Londres en 1807, il devait avoir environ 70 ans. Il avait probablement été marié auparavant, et les dossiers du service des impots foncier suggerent qu’il ait eu un fils (James) ou Jacob
    Il a été enterré le 5 mai 1818

    RépondreSupprimer
  8. M de Fitte de Soucy31 mai 2013 à 16:04

    Comme le fait remarquer justement l’un de vos lecteurs, vous faites une erreur concernant Bombelles. Si la photo que vous publiez est bien celle de René de Bombelles (celui-ci a bien épousé Marie-Louise d’Autriche, la veuve de Napoléon), c'est son père le marquis Marc-Marie de Bombelles qui fut nommé ambassadeur au Portugal (octobre 1786- avril 1788) alors que, René, son troisième fils avait vu le jour à Versailles le 6 novembre 1785 !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour!
      Je m'appelle Anatole Stébouraka. Je suis un historien de la Biélorussie. Je travaille à l'Université d'État du Bélarus.
      Je m'intéresse de l'histoire de la guerre de 1812 (en Russie).
      J’ai trouvé àu fondes de la Bibliothèque nationale les documents d'officier francais Charles DE FITTE DE SOUCY.
      Sur le site (http://gw.geneanet.org/garric?lang=fr;p=charles;n=de+fitte+de+soucy) en Internet, j'ai trouvé vos recherches sur l'histoire de cette famille.
      Si vous êtes intéressé par cette correspondance (environ 100 lettres pour 1805 - 1814.), n’esirez pas de contacter avec mois.

      Respectueusement, Anatol Stébouraka
      Dr. d’histoire
      +375 29 55 77 630
      Stebouraka@mail.ru
      Steburaka@tut.by

      Supprimer
  9. Cher Monsieur, Vous avez raison j'ai rectifié et j'ajoute ce passage de
    Mémoires sur Mgr de Bombelles, évêque d'Amiens ; par M. l'abbé Duneufgermain,.
    Le 27 juin 1785, M. de Bombelles fut nommé Ambassadeur en Portugal. Il y
    déploya un esprit de conciliation qui aplanit de graves difficultés : et reçut les
    lettres les plus flatteuses du maréchal de Castries et de M. de Latouche; ce dernier s'exprimait dans les termes suivants :

    « On ne peut représenter la Nation plus honorablement que vous le faites et
    nous vous aurons des obligations de voir le nom français prendre autant de
    considération en Portugal qu'il y en avait peu avant votre Ambassade; vous
    parviendrez à effacer entièrement du cœur des Portugais les sentiments de défiance qu'ils nourrissaient contre nous, avant de vous connaître, etc. »
    Pendant son séjour à Lisbonne, M. de Bombelles fut Marechal de camp le 9 mars 1788.
    A la suite d'une maladie qui mit ses jours en danger, il revint à Versailles, et, au
    mois de mars 1789, il partit pour Venise avec le titre d'Ambassadeur extraor-
    dinaire.

    Deux des amis de M. de Bombelles venaient de disparaître de la scène politique;
    l'un, le comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères, enlevé par la mort ; l'autre M. de Calonne , ministre des finances, emporté par une audacieuse
    témérité plus peut-être que par le caprice des événements.

    RépondreSupprimer
  10. Au moins, vous acceptez les précisions des internautes et vous les vérifiez, Chapeau!!!

    RépondreSupprimer
  11. Article très intéressant. Je suis en train de dépouiller le registre de circoncision de Jacob HALPHEN, né à Toul en 1803 et qui, avoir séjourné à Bourbonne-les-Bains, vient exercer son art à Paris de 1847 à 1865, année de sa mort.
    Parmi les garçons circoncis figurent des familles de lapidaires hollandais, demeurant dans 14e arrondissement et venus à Paris dans la 2e moitié du XIXe siècle, presqu'exclusivement d'Amsterdam : VOET, VAN KOTE, AUERHAAN, DE JONG, etc.

    RépondreSupprimer

N hésitez pas a laisser des commentaires, même anonymes et je répondrai

EDYAD, puis EDY: la famille Pochiet ,

Une maison mystérieuse, importante vu le nombre et la qualité de ses clients bijoutiers. Il y a les "grands" joailliers , mais s&#...